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Anselme Beaudoin, fromager picard « AUCUN CLIENT N'EST À PLUS DE 10 % DE MON CHIFFRE D'AFFAIRES »

© M.P.

À Grémévillers (Oise), Anselme Beaudoin a repris la fromagerie familiale La Chapelle Saint-Jean. Au plateau traditionnel s'ajoutent des inventions de son cru.

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Le rollot trônait déjà à la table de Louis XIV. En 2004, ma mère a repris le flambeau du dernier fabricant. » Anselme Beaudoin s'enflamme quand il raconte les recherches faites pour ressusciter la tomme au foin, un must du canton qui date d'avant la Révolution française. Ou encore le bray picard qui s'appelait gournay et dont la Seine-Maritime garde l'exclusivité du nom. En Gaec avec son jeune frère Étienne, sur une exploitation de 134 ha et 95 laitières, Anselme transforme avec cinq salariés 450 000 l/an, soit près de la moitié du quota. Son engouement pour la fabrication du fromage remonte à loin.

BON ÉLÈVE Enfant, il participait aux champs, à la vente sur les marchés, à la fromagerie. Ce bon élève n'a pas la vocation d'éleveur, mais il aime cuisiner. Il sera ingénieur en agroalimentaire. Une carrière de courte durée. Le métier le déçoit. « Je n'avais de cesse de parler de mes fromages », se souvient-il. Sa reconversion sera compliquée.

DÉTERMINATION Anselme évoque avec amertume le long parcours de son dossier d'installation. « J'allais quatre à cinq fois par semaine à la chambre d'agriculture ! Quelle galère pour avoir l'équivalence du Bac. J'ai failli devoir repasser un BEP ! » Les Cassandres ne viendront pas à bout de sa détermination. Il perçoit le potentiel de l'atelier et lui apporte des aménagements indispensables. La médaille d'argent du Concours général agricole pour la tomme au foin couronne son installation officielle. C'est un tremplin fantastique. Et une bonne claque aux moqueurs : « J'avais lancé un bray au lin avec ma mère, en 2006. Les mauvaises langues comparaient les graines grillées à des crottes de souris. Aujourd'hui, j'en produis près de 800 par semaine et une vingtaine de producteurs a copié la recette ! » Le plateau s'étoffe : bray à la cameline, gerberoy au confit de rose, tricorne affiné à la bière... Et les essais se multiplient. Dernière reconnaissance de taille, en mars dernier : il est l'un des trois producteurs picards « Talents gourmands » sélectionnés par Marc Duval, le chef du restaurant gastronomique La Grange de Belle-Église.

DISTRIBUTEUR AUTOMATIQUE Pour convaincre, Anselme fait goûter : « J'en ai fait l'expérience, les professionnels ne prennent un nouveau fromage que s'il est réclamé par leurs clients. » Le jeune papa se concentre sur les salons et foires. De Bruxelles à Bordeaux, il livre une centaine de clients par semaine (restaurateurs, magasins, associations, tables d'hôtes...) et seulement trois grandes surfaces. En marge du magasin de la ferme, un distributeur automatique a pris place à côté de celui d'un voisin maraîcher. Anselme compte sur deux atouts : « La route est passante et de plus en plus de consommateurs sont sensibles à l'approvisionnement local. » Le terroir est dans l'air du temps.

MIREILLE PINAULT

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